Un petit point sur le paysage de l’application de la norme RESPONSABILITE SOCIETALE en France.

Le 1er novembre 2010, la norme internationale ISO 26000:2010 RESPONSABILITE SOCIÉTALE est publiée. C’est le résultat de plus de 3 années de réflexions puis de 5 années de travail réalisé par un groupe créé ad’ hoc et composé de plus de 500 experts, 240 observateurs, 99 pays et organisations.  

Cette norme fixe des lignes directrices autour de 7 questions définies comme centrales pour les organisations qu’elle vise :

Dès le départ, cette norme a fixé des « lignes directrices » et non des exigences ; en conséquence, elle ne prête pas à certification contrairement à de nombreuses autres des 23 626 normes que l’Organisation internationale de normalisation a produites depuis 1947. L’objectif était notamment de ne pas entraver les entreprises qui ne seraient pas certifiées. Et cela est resté.

Pour autant, la demande de responsabilité sociétale des acteurs économiques et politiques n’en est pas moins forte.

On peut distinguer les pays qui ont adopté cette norme en deux catégories :

  1. Pays dans lesquels les organisations officielles ont ressenti le besoin crucial de décliner la norme internationale en élaborant des normes certifiables au niveau national. C’est le cas de l’Autriche ou du Danemark par exemple.
  2. Pays dans lesquels les Etats n’ont pas décliné la norme en une norme nationale certifiable et où, en conséquence, d’autres acteurs se sont substitués aux Etats pour imaginer des mécanismes d’auto-évaluation, de récompense ou de labels. C’est le cas de la France par exemple.

En France, on assiste depuis lors à la course à celui qui deviendra le référent incontournable dans l’attribution du label ou de la notation partagée par le plus grand nombre.

Ainsi, en 10 ans, on a vu fleurir 18 labels1 créés par les associations professionnelles qui reposent sur la norme volontaire ISO 26000:2010 pour que les entreprises de leur secteur puissent valoriser leur engagement et afficher leur exemplarité. Ces labels sont délivrés par AFNOR CERTIFICATION, société commerciale du groupe AFNOR.

Dans le même temps, des structures privées ont construit ou développé leur modèle d’affaires sur la la création de labels dédiés qui « récompensent » les entreprises méritantes dans les questions centrales de la responsabilité sociétale. C’est le cas du label B-Corp (délivré par la société B-Lab).

Des collectifs institutionnels ont également créé des labels qu’ils délivrent eux-mêmes. On peut citer comme exemples le label PME+ (délivré par la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France), le label Empl’itude (délivré par une commission constituée des principaux acteurs du territoire), les Ecolabels (délivrés par l’Ademe), le label numérique responsable (délivré par un comité de labellisation indépendant) ou encore le label préférence commerce (délivré par un comité au sein des CCI).

Il existe aussi le label HappyIndex®AtWork, l’un des 7 labels RSE délivré par la société privée ChooseMyCompany® (à ne pas confondre avec la société suisse de coaching HappyAtWork ni la société française de consulting du même nom) qui se présente comme le premier label récompensant le management des entreprises. On a trouvé aussi le label Positive Workplace, dont on n’a pas en lecture directe d’information sur la société (française ?) qui le délivre.

Dans ce paysage, EcoVadis fait un peu bande à part en ce qu’il n’indique pas délivrer de label. Cette société se définit comme le plus grand et le plus fiable des fournisseurs de notation de la durabilité des entreprises à travers son réseau mondial de 75 000 entreprises évaluées.

On peut également parler d’autres labels qui rejoignent une ou plusieurs questions centrales de responsabilité sociétale même s’ils ne se positionnent pas sur la RSE et qu’ils ont une histoire plus ancienne que la norme ISO 26000 :2010. C’est le cas par exemple de de la famille de labels Great place to Work® délivrés par la société éponyme (3 labels différents dont le petit dernier Palmarès Best Workplaces For Women créé en 2020).

Ces exemples ne constituent pas une liste exhaustive des labels existant en février 2021. Il est impossible de tous les recenser, tellement ils sont nombreux.

Comment s’y retrouver dans tout cela ?

On sait que ces labels sont exigeants.

On sait également que les structures/organisations qui les gèrent le font, eux comme leurs partenaires cabinets de conseil ou auditeurs, avec des convictions fortes qui sont nécessaires pour permettre leur ancrage aujourd’hui ainsi que le développement de leur modèle et leur durabilité demain.

Ce disant, comment pouvons-nous nous y retrouver dans cette multitude d’affichages et d’étiquettes brandis par les entreprises alors qu’on ne sait pas toujours à quoi correspond le certificat/label gagné ?

Cette question peut être soulevée par les consommateurs désireux d’acheter « responsable », les étudiants qui aspirent à s’orienter dans des filières épanouissantes, les postulants qui cherchent à intégrer des structures qui vont apporter du sens à leur carrière ainsi que les entreprises entre elles qui veulent travailler avec des parties prenantes qui partagent leurs valeurs.

Cette question reste également pendante pour les collectivités territoriales qui veulent intégrer les enjeux sociétaux dans leurs appels d’offre.

Mais au-delà de ces questions de désorientation des parties prenantes, on peut s’interroger surtout la désorientation de l’entreprise, elle-même.

  • Celle qui a une déficience bien identifiée et un besoin urgent d’y remédier saura choisir.
  • Celle qui veut communiquer (client ou marque employeur) pour obtenir ou conserver un avantage concurrentiel par exemple, croira le savoir également.
  • Celle qui est pressée par ses parties prenantes de démontrer ses valeurs, croira le savoir aussi.
    • Dans ces deux derniers cas, le label choisi sera-t-il réellement vertueux pour sa responsabilité sociétale ou sera-t-il seulement géré comme une contrainte imposée par l’extérieur ?
  • Celle qui sera démarchée par différents cabinets de consulting, qui pour lui proposer un label de branche, qui pour lui proposer un label plus général, qui pour lui proposer un label ciblé, sera complètement désorientée.
    Comment peut-elle avoir la certitude que le label qu’on lui vend, qui nécessite un investissement significatif en temps et en argent, aura la visibilité/durabilité qu’on lui promet ?
  • Et enfin celle qui veut devenir responsable sociétalement parce qu’elle est convaincue qu’il faut repenser la convention économique et le modèle des entreprises contributrices, sera désorientée également.
    • Choisit-elle de se faire labéliser ?
    • Quel label ?
    • Par quelle structure ?
    • Doit-elle avancer sur les 7 questions de responsabilité sociétale ou doit-elle choisir un premier angle « d’attaque » tel que les conditions de travail par exemple avec un label spécifique ?

L’entreprise à mission n’est pas un label. C’est le statut qui permet de devenir responsable sociétalement en passant par la porte d’entrée.

Le législateur a ouvert aux entreprises de toutes tailles et de tous secteurs une voie unique et inscrite dans les textes (article 1835 CV et article L210-10 CC) : se déclarer en qualité de société à mission. Il s’agit d’abord de définir sa raison d’être et ensuite de se fixer des objectifs. L’évaluation du système mis en place en interne pour progresser est assuré doublement : un comité de mission d’abord et un organisme tiers indépendant (OTI) ensuite.

L’avis rendu par l’OTI est publié sur le site internet de l’entreprise, donc rendu public.

Le cadre est posé et dans le bons sens : l’entreprise commence déjà par penser sa raison d’être, c’est-à-dire sa contribution au monde. Ce n’est qu’une fois qu’elle a travaillé sur sa vision, sa stratégie et donc sa singularité qu’elle peut savoir les objectifs qu’elle se fixe en matière sociétale.

Dès lors, il lui sera (plus) facile de savoir se retrouver dans la déclinaison des 7 questions centrales de sa responsabilité sociétale. Les questions qu’elle aura identifiées pourront être traitées (ou pas) dans l’ordre qu’elle choisira en fonction de ce qu’elle est et de là où elle veut aller.

La décision suivante, choisir éventuellement de se faire labéliser, et par qui, découlera naturellement de cette stratégie. Elle ne sera jamais vécue comme une contrainte mais au contraire comme une opportunité de développement et d’approfondissement d’un des objectifs alignés sur sa raison d’être.

En 2025, quand 10 000 entreprises seront entreprises à mission, on pourra dire à nos parties prenantes : « montre-moi ta raison d’être, tes objectifs et l’avis de l’OTI. Je verrai qui tu es et si tu me fais envie. ».

Cela ne sera pas un label. Cela sera la référence légale.

Un article de Octavie Vericel (Co-fondatrice de l’association Les entreprises à mission Lyon-Auvregne-Rhône-Alpes)


1 Label Engagé RSE, Label GREENFIN, Label Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes, Label ISR: Investissement Socialement Responsable, Label événement égalité femmes-hommes, Human for client, Label REUNIR RSE « Mon entreprise s’engage » – REUNIR, Agriculture biologique, Charte RSE – UNICEM, e-Label RSE « Agences Actives » de l’Association des Agences de Conseil en Communication, Label Diversité, Label Coopérative So Responsable de La Coopérative Agricole, Label Vignerons Engagés – Association Vignerons en Développement Durable, Label RSE SCOP du BTP – Fédération des SCOP du BTP, Parcours RSE des Entreprises de Propreté, Label RSE filière Jambon de Bayonne, Label RSE Proprement Engagés – AFISE, Label RSEi – Fédération des Entreprises d’Insertion.